La Caméra et le Cadre

La Caméra et le Cadre

"There Will Be Blood" de Paul Thomas Anderson

Film : There Will Be Blood

Réalisateur : Paul Thomas Anderson

Acteurs : Daniel Day-Lewis, Paul Dano, Dillon Feasier

Année : 2008

Genre : Drame

 

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    Après avoir vu "Magnolia" qui ne m'avait pas franchement emballé et "Inherent Vice", que j'avais adoré sur le plan visuel, un peu moins sur la construction scénaristique, je me suis lancé à l'assaut de l'œuvre phare de Paul Thomas Anderson. À seulement 44 ans, il a déjà réalisé 7 longs métrages et bien que disposant d'un talent indéniable, son style très particulier divise.

 

   "There Will Be Blood" est librement inspiré d'un roman d'Upton Sinclair "Oil" mais Paul Thomas Anderson y insuffle un souffle très personnel dans la mise en scène. Le travail fourni sur les décors, la photographie, la bande-son ou encore la psychologie des personnages est remarquable et contribue à donner chair à un univers riche et singulier.

 

   Le titre nous promet du sang et effectivement celui-ci ne cessera pas de couler, mais sous une couleur noire et nauséabonde. Ce sang qui gouverne le récit et impose son diktat à Daniel Plainview, le personnage principal du récit (magistralement interprété par Daniel-Day Lewis qui mérite amplement son oscar). Ce sang qui ravage tout sur son passage sans jamais étancher la soif de folie des hommes, ce sang qui souille aussi bien la terre que les âmes, ce sang c'est le pétrole. La quête de l'or noir sera un leitmotiv tout au long du film.

 

    La scène d'ouverture figure parmi mes préférées, au même niveau que celle de "Lord of War" ou du "Parrain". Les quinze premières minutes annoncent clairement une œuvre rare et sans commune mesure avec les films traditionnels. Dès la première scène, on est plongé dans un décor irréel, en plein cœur d'une mine désertée, un homme ou plutôt une bête obstinée s'acharne sur un maigre filon tari. Le martèlement du piquet, l'expiration bruyante et éreintée de l'homme, les accords discordants de la guitare de Johnny Greenwood (le guitariste de Radiohead), tout cela contribue à créer un climat suffocant. La terre est présentée comme un lieu dur et cruel qui ne tolère pas la faiblesse et se plaît à consacrer les forts sans distinction aucune du bien ou du mal.

 

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   Quelques années après cette scène d'anthologie, on retrouve Daniel Plainview, désormais entrepreneur pétrolier. Il flaire le bon coup, découvre littéralement la poule aux œufs d'or et s'en va bâtir son empire dans une petite ville perdue de l'ouest américain sans savoir que c'est le début de son irrémédiable décadence. Le héros dégage une aura de pouvoir qui se met au service d'une obsessionnelle quête de la réussite. Le réalisateur ne cherche pas à brosser un portrait fantasmé, il le dépeint comme un homme brutal, un misanthrope opiniâtre qui ne croit qu'en lui-même et en son propre sang. La relation entre Daniel et son fils, le petit H. W. apparaît d'ailleurs comme la seule parenthèse d'humanité du personnage. Entre complicité et tendresse, le père et l'enfant dégagent un amour chaud et sincère… qui sera impitoyablement brisé comme tout ce qui rattache Plainview au reste du monde.

 

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   L'autre force du film, c'est le face-à-face somptueux entre Daniel Plainview et Eli Sunday (Paul Dano), jeune prêtre fanatique de Little Boston. Le seul être humain qui semble pouvoir contrecarrer la volonté de Plainview. Tout au long du film, il ne cessera de le poursuivre dans une opposition féroce et violente qui aboutira sur une scène finale à couper le souffle. Au milieu d'une piste de bowling dans le manoir du richissime Plainview, les deux protagonistes s'engagent dans une lutte à mort dont on sait qu'elle se poursuivra jusqu'à ce qu'un des deux en sorte vainqueur.

 

  Le personnage de Daniel sombre lentement mais inexorablement dans cette quête qui le draine de son essence même. Le réalisateur matérialise admirablement en image cette déchéance. Il montre l'homme comme un être fondamentalement mauvais, Paradoxalement, on a pas l'impression qu'il soit dénué de compassion, plutôt qu'il est irrémédiablement corrompu par ses vices et son ambition.

 

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   Dans une Amérique des années 1900, coincée entre la ruée vers l'or et l'époque de la prohibition. Bien souvent délaissée par le cinéma hollywoodien car elle évoque une période peu glorieuse de l'histoire américaine, "There Will Be Blood" est une œuvre fascinante, l'atmosphère y est aussi dense et sombre que la mélasse noire dans laquelle patauge les protagonistes tout au long du film et le jeu d'acteur à couper le souffle. Définitivement voué à devenir un classique.

 

 

Note : 9,5/10  



31/03/2015
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