La Caméra et le Cadre

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"L'Astragale" de Brigitte Sy

Film : L'Astragale

Réalisateur : Brigitte Sy

Acteurs : Leïla Bekhti, Reda Kateb

Année : 2015

Genre : Biopic, Drame

 

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   Après son premier film "Les Mains libres" qui était déjà en rapport avec l'univers carcéral, Brigitte Sy revient avec une nouvelle réalisation "L'Astragale", libre adaptation du roman autobiographique d'Albertine Sarrazin parue en 1965.

 

   Le film s'ouvre sur une séquence improbable, une jeune femme se dresse au sommet d'un mur qu'on devine celui d'une prison. Elle n'a d'autre choix que de sauter et dans l'affaire elle se casse un petit os du pied : l'astragale. En rampant, elle parvient jusqu'à la route où elle est secourue par Julien, un jeune délinquant au cœur tendre. Une relation amoureuse ambiguë et destructrice va rapidement se construire entre les deux protagonistes.

 

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  Malgré une photographie impeccable et une reconstitution en noir et blanc très soignée du Paris des années 1950, le film peine véritablement à se lancer. On a l'impression qu'il va prendre son essor plusieurs fois mais à chaque fois il se retrouve entrecoupé par des scènes superflues. Les dialogues assez fades des personnages secondaires (notamment ceux avec Nini) n'abondent également pas dans ce sens.

 

  Mais contre tout attente, il finit par charmer par le biais de rencontres saisissantes et imprévues (comme celle avec le photographe). Le style, tout en sobriété renforce cette sensation de beauté fugace et évanescente, de cet amour à peine naissant et déjà condamné. Albertine n'est pas né pour être heureuse, c'est une certitude. Cette fatalité se traduit par une solitude grandissante du personnage, qui retombe dans ses vices. Telle une fugitive traquée, elle se pare d'une personnalité fictive qui masque ses angoisses, ses douleurs, ses chagrins. Elle ne parvient pas à vivre tout simplement.

 

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  Souvent délaissée, elle s'adonne à la prostitution, fume cigarettes sur cigarettes et descend des carafes de rouge avec une précipitation avide d'oublier son quotidien de fugitive, sans avenir et au passé douloureux. Sous son apparence coriace et âpre et son attitude farouche et opiniâtre, Albertine cache une fragilité délicate qu'elle tente d'extérioriser à travers son amour pour Julien et sa passion des mots.

 

  La performance de Leïla Bekhti reflète adroitement ce mal-être persistent qui lui empoisonne l'existence au point de la consumer. Néanmoins, le choix (délibéré ?) de nimber l'héroïne d'une aura de froideur agit comme une barrière qui freine la compassion et empêche la compréhension. Pourquoi se prostitue-t-elle même quand rien ne l'y oblige ? Est-elle désabusée ? Indifférente ? Impossible de trancher. Incarnation d'une femme brisée, en manque d'amour et habitée d'excès, la partition de l'actrice finit par intriguer plus qu'elle ne touche. On ne ressent cette marginalité et cette fragilité que la réalisatrice cherche à retranscrire que par période.

 

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  Cette fragilité, c'est finalement Reda Kateb qui l'incarne le mieux. (vu dans Un Prophète, et plus récemment Lost River et le superbe Loin des hommes) Impeccable comme toujours, il insuffle ce petit supplément d'âme qui provoque l'émotion. Tantôt distant, tantôt tendre, il incarne poétiquement l'amant attentionné mais souvent absent. Un seul regret, il aurait mérité d'être plus mis en valeur car sa seule présence suffit à sublimer le récit, par ailleurs assez pauvre.

 

  "Astragale" m'a profondément divisé. D'un côté, j'ai apprécié la beauté simple du film et le style sobre et distingué de la réalisatrice, mais d'un autre, je regrette un peu ce manque d'ambition qui me laisse sur ma faim. Ne vous méprenez pas, "Astragale" est une œuvre intelligente et efficace mais sans un formalisme trop appuyé l'hommage à Albertine Sarrazin aurait pu être encore plus fort.

 

 

Note : 6,5/10



17/04/2015
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