"Kids" de Larry Clark
Film : Kids
Réalisateur : Larry Clark
Acteurs : Leo Fitzpatrick, Chloë Sevigny, Justin Pearson
Année : 1996
Genre : Drame/Adolescence
Premier film de Larry Clark et véritable ovni à sa sortie, "Kids" a, à juste titre, matière à faire débat et susciter la controverse. Il fut même interdit au moins de 17 ans aux États-Unis. À travers des scènes crues et sans concessions, le réalisateur raconte un petit bout de vie de jeunes adolescents new-yorkais au milieu des années 1990.
C'est l'histoire d'un jeune paumé Telly, qui passe ses journées à traîner dans les rues de New York avec son pote Casper. Ils volent, fument, parlent de sexe, font du skate, mais surtout et par-dessus tout, ils poursuivent l'objectif de Telly qui est de déflorer le plus de jeunes pucelles. Jenny, une jeune femme qui est tombée dans le piège de Telly vient d'apprendre quelle a le VIH et cherche à le retrouver pour l'empêcher de contaminer d'autres innocentes. On suit en filigrane les deux histoires sans que cela altère la qualité du récit.
Dans un monde où les adultes n'existent pas (sur toute la durée du film on ne voit que deux adultes, la mère de Telly et le chauffeur de taxi), on a le sentiment d'assister à une journée ordinaire de jeunes qui on perdu le sens des réalités. Sexe, drogue, alcool, violence, tout y passe et rien ne semble impossible à transgresser. La scène du passage à tabac d'un jeune noir est emblématique de cette mentalité. Totalement déconnectés du monde réel, ces jeunes ados vivent en marge de la société. Certains considèrent même le SIDA comme une maladie imaginaire.
La force du film réside en partie dans son approche quasi-documentaire. Photographe de formation, Larry Clark retranscrit avec justesse la vie de ses protagonistes sans jamais chercher à dénoncer ou prendre parti. Il place le spectateur dans une position de voyeur, où il est seulement possible de constater qu'il est trop tard pour intervenir, que la salvation n'arrivera pas, que ces jeunes sont une génération sacrifiée. Comme, pour confirmer ce propos, plusieurs acteurs du film ont connu une fin tragique. Justin Pearson (le génial Casper) s'est pendu à 25 ans et Harold Hunter est mort d'overdose quelques années plus tard.
Qu'on n'aime ou pas, il faut reconnaître la prestation exceptionnelle de l'ensemble des acteurs. Tous jouent leur premier rôle et pour certains d'entre eux (Chloë Sevigny et Rosario Dawson) "Kids" fut le prémices à une carrière cinématographique. Néanmoins, c'est le duo Telly-Casper (Leo Fitzpatrick et Justin Pearson) qui fait des étincelles. Leur complicité malsaine mais tellement naturelle s'affiche à travers leurs conversations insolites et crues, leurs attitudes paillardes ou leur capacité à vivre en dépit de tout.
Aux antipodes des teen-movies habituels, le scénario n'est ni émouvant ni badin, les acteurs ne renferment aucune beauté intérieure, les garçons sont avides de sexe et ne pense qu'à baiser, les filles aussi. C'est d'un fatalisme affligeant et pourtant on ne peut s'empêcher de trouver une forme de lyrisme que la dernière scène, magnifiquement mise en scène, illustre avec brio.
"Kids", c'est bien plus que la chronique sociale d'une Amérique malade, c'est un véritable claque qui résonne plus fort que n'importe quel campagne pour le dépistage contre le SIDA. Un film coup de poing qui n'est pas sans rappeler "La Haine" par son approche et son propos, dérangeant et brûlant.
Note : 8,5/10